15 janvier, 2017

Prise au piège !




Une de mes chères patientes, avec qui je m'entends fort bien par ailleurs, se trouve être plutôt de gauche. Mais attention, pas d'une gauche crispée sur des principes archéo-historiques, non une gauche ouverte et tolérante. Lorsque j'écoute sa profession de foi, je crois que je pourrais la définir comme étant une sorte de mélanchono-macroniste. Elle ne méprise pas le prolo sans toutefois ignorer les dures lois de l'économie. Elle visite plein d'expos et a plein d'amis homosexuels. C'est vous dire si en plus d'être de gauche, elle est vraiment cultivée et ouverte d'esprit. 


En revanche, elle ne m'a jamais fait part d'amis noirs ou arabes. Elle n'est évident pas raciste. Loin de moi cette idée, elle a juste une excuse géographique. Il faut dire que dans le centre de Paris, il y en a peu ou alors ils viennent juste pour la journée, pour livrer des trucs, travailler en cuisine ou faire le ménage. Ils n'ont peut-être pas le temps de faire des expos. Elle est un peu féministe, enfin juste ce qu'il faut. Elle n'est pas idiote, elle milite pour l'égalité des salaires mais sans dépasser les bornes. Elle n'avait pas envie de finir seule non plus ! Le féminisme outrancier, elle n'est pas idiote, elle sait que c'est le meilleur passeport pour finir seule, aigrie, avec un chat.

Bien entendu, elle a fait des études, travaille dans le tertiaire et dispose d'un salaire confortable. Je la soupçonne même d'avoir une femme de ménage mais je n'en ai pas la preuve. De toute manière, si tel était le cas, je suis sur qu'elle la traiterait bien, sans pour autant oublier de vérifier parfois si les petites cuillers en vieux Paris n'ont pas disparu. On ne se méfie jamais assez du petit personnel et dès qu'on a le dos tourné, il vous vole.

Cependant et je l'ai déjà dit plus haut, je m'entends fort bien avec elle. Même si elle reste assez caricaturale de l'esprit du temps à Paris, c'est quelqu'un de sympa avec qui l'on peut plaisanter. Elle est bien plus sympa qu'un militant LR, sans doute parce que tout en ayant des idées parfois arrêtées, elle n'est pas militante. Les militants sont toujours pénibles. Or voici que le lendemain des primaires de la gauche, elle se sentait bien dépourvue, autant que la cigale de la fable.

Il faut dire que l’offre n'était pas très alléchante. Choisir entre sept neuneus tous plus tocards les uns que les autres, n'a rien de bien folichon quand on a un cerveau. Parce qu'on a beau se dire de gauche, si on a un minimum d'intelligence, on se rend vite compte que par exemple Manuel Valls est carbonisé ou que Jean-Luc Bennahmias ou encore François de Rugy ne feront pas un bon président de la république. Quant aux autres, n'en parlons pas. Pinel, on ne la connait pas, Hamon est un gnome désagréable, Peillon un apparatchik incapable et Montebourg, malgré un physique plus avantageux et un humour certain, ne possède pas un programme cohérent. Sale temps pour les gauchos ! Même mon filleul Lapinou, pourtant socialiste engagé, ne votera pour aucun d'eux. Lui, il a choisi de se faire sodomiser par Macron. Ìl a choisi le courant bancaire du socialisme. Quand on est de gauche, on n'est pas à une incohérence près.

Ma patiente n'est pas aussi définitive que Lapinou. Elle ne veut aucun des sept nains présents lors du débat. Mais ce n'est pas pour autant qu'elle irait ailleurs qu'au PS. A la gauche du PS, il y a bien Mélenchon qui dit parfois des trucs intéressants et possède de vrais talents d'orateur. Mais ses dents, avez-vous ses dents ? Qui voudrait pour représenter notre beau pays d'un type aux dents gâtées. Ah non. Alors il reste la droite du PS sous les traits avantageux et juvéniles du jeune Macron. Mais lui, il est issu de la banque, de la finance. Et la finance, ce n'est pas bien. Et puis on ne parvient pas à bien le percevoir le petit Emmanuel. On ne sait pas d'où il vient, il a épousé une vieille, etc. Ce n'est pas très clair tout ça ! D’aucuns disent même que ...Et oui, Paris bruisse de murmures ! Mais cela ne nous regarde pas !

Voilà donc ma pauvre patiente toute déboussolée parce que pour la première fois de sa vie rien ne lui convient ! C'est tout de même rageant d'être une femme, d'avoir le droit de vote depuis 1945 et de ne pas savoir quoi en faire. C'est peut être pire que de faire les soldes et de constater que la jolie paire d'escarpins soldés à 70% dont elle rêvait n'est plus disponible dans sa pointure. En tout cas, c'est grave. Parce qu'il ne faut surtout pas oublier qu'il est important de voter, vu que des gens sont morts pour ça

Personnellement, il m'est souvent arrivé de ne pas voter. Et ce, même pour des élections majeures comme les présidentielles de 2012. Sarkozy / Hollande ? Je vous avoue que je me trouvais un peu comme dans l'épisode de Southpark Poire à lavement et sandwiche au caca. Voter pour l'un ou l'autre, c'était parvenir à répondre à la question, tu préfères qu'on t'ampute d'une jambe ou d'un bras ? Ça s'appelle un sacré dilemme. 

Ma chère patiente, je crois, a toujours voté, à moins d'y être empêché par une cas de force majeure comme des vacances au ski ou dans quelques contrées exotiques. Sinon, quelque soit le temps, si elle est à Paris, elle se rendra aux urnes. Mais cette fois-ci en mai prochain, pour qui voter ?

Soucieux de lui venir en aide, parce que c'est tout de même le fond de mon intervention je lui ai alors proposé une solution évidente : pourquoi ne pas voter Marine Le Pen ? Et là voilà qui se récrie ! Et vous n'y pensez pas ! Et halte au fascisme ! Le racisme ne passera pas. Moi je reste de marbre en attendant que cela se calme.

Puis calmement, je lui expose qu'au vu de ce que je connais d'elle et de ce qu'elle vient de me dire, je pense que c'est le choix le plus cohérent. Marine est une femme divorcée et son adjoint Philippot est homosexuel. Voilà pour la partie féministe et sociétale. Connait-on sincèrement aujourd’hui parti plus ouvert d'esprit ? Son programme, quand on l'analyse est clairement de gauche avec même de petites touches marxistes. Cela devrait flatter tous ceux qui ont une vraie conscience de gauche. Et on ne peut pas lui reprocher des accointances avec la finance puisqu'à ce jour, aucune banque n'a souhaité financé sa campagne. S'il y en a bien une qui doit être contre la finance en ce moment, c'est Marine. 

Ma chère patiente qui me connait bien a souri de ma provocation tout en admettant qu'au delà des valeurs qu'elle clame et prône sans cesse consistant à vanter les mérites d'une société enfin ouverte réellement aux femmes et ouverte d'esprit aux minorités, les idées comptaient aussi un peu. Ses certitudes sociétales et politiques s'effondrent d'un coup. La voici qui doute, nuance et argumente. Une femme oui mais pas n'importe laquelle !

Je suis sur qu'elle finira par voter pour un homme ! Lequel je ne sais pas. Elle me le dira sans doute après les élections. Je gage que ce sera le gagnant de la primaire de gauche parce que c'est ainsi, que c'est commode, que c'est le représentant d'un grand parti, qu'il n'y a pas à se torturer.

J'adore ce genre de phénomènes liés à la prise de décisions en état d'incertitude. On voudrait se rattacher à Descartes et à sa méthode et on n'y trouve que l'incertitude de Montaigne. Cela me rappelle l'essentiel de mon métier quand les patients me demandent si je suis sur de quelque chose et que je leurs réponds qu'en psychologie, on tente essentielle d'objectiver des éléments subjectifs. 

La plupart du temps dans la vie, on a beau prendre toutes les précaution, on n'est sur de son choix que lorsqu'ils se sont enfin révélés négatifs ou positifs.

14 janvier, 2017

Défions nous des extrêmes et autres incantations !

Simplet n'est pas extrémiste !


J'ai dans ma clientèle, deux patientes, jeunes quadragénaires célibataires, qui aimeraient se trouver un gars bien ! Pourquoi pas ? C'est bien normal que de vouloir être aimé et être aimé non ? Sauf que, sans que je sache bien pourquoi, ces deux patientes sont plutôt de gauche et progressiste du point de vue des mœurs. Cela ne me dérange pas, n'étant justement pas de gauche, je ne suis pas sectaire et accueille indifféremment les patients quelque soient leurs idées politiques. 

D'ailleurs, je ne parle de politique que si l'on m'en parle. J'ai beau être persuadé que le socialisme est une pathologie mentale très résistante qui la rend sans doute plus dure à traiter qu'une schizophrénie, je ne dis jamais rien. Je reste neutre.

S'agissant de ces patientes, qu'on se rassure, aucune des deux n'est à proprement parler militante. D'ailleurs comme toute parisienne quadragénaire qui se respecte, l'une et l'autre ont adopté très largement un mode de vie bourgeois. Les deux possèdent leur logement, l'une dans le XVème et l'autre dans le XVIème. On est donc loin de Germinal ! On reste dans le standard de l’électorat d'Anne Hidalgo. Au XIXème siècle ça aurait fait de parfaites dames de charité soucieuses des pauvres et maintenant ça se dit de gauche parce que c'est sensé être généreux. 

Ceci étant dit, les deux sont plutôt sympathiques. N'étant pas moi-même militant, je m'entends généralement bien avec tout le monde. Je les sens tellement pleines de contradictions qu'elles en deviennent plutôt touchantes. J'ai souvent envie de leur dire que plutôt que de feindre de s'intéresser à la politique qui ne les passionne pas plus que cela, de se contenter de voter pour qui elles veulent mais d'aller à l'église à côté demander si une association n'aurait pas besoin d'elles. Mais bon, l’Église c'est vieux et réactionnaire alors qu'être de gauche c'est sensé être moderne, surtout sous la mandature d'Hidalgo. Et en écrivant cela j'ai subitement conscience que mes propos sont réactionnaires et sexistes et qu'en plus je les assume. 

Toujours est-il que comme on se connait bien l'une et l'autre m'ont demandé si dans ma clientèle, triée sur le volet, il n'y aurait pas quelque coquin intéressé par elles. Et effectivement, j'ai dans ma population masculine quelques profils intéressants. Cependant, afin de savoir si cela pouvait colle,r il a fallu que je demande à des deux demoiselles, quel était le profil recherché. L'une et l'autre n'ont pas d'exigences particulières. Bien sur, elles préfèrent que l'élu soit présentable et intelligent et d'un âge en rapport avec le leur. Jean-Luc Bennahmias n'aurait peut-être pas eu ses chances. Bon, ce profil là j'ai en stock vu que j'ai une clientèle généralement remarquablement intelligente. 

Bien sur connaissant leurs idées politiques, je leur ai demandé si c'était important que l'homme qu'elles recherchent pensent comme elles. Et là, les deux m'ont fait la même réponse en me précisant que la politique n'était pas au cœur de leurs centres d'intérêt et que de droite ou de gauche, elles s'en moquaient pourvu qu'il ne soit pas EXTRÊME ! Le mot est lâché, défions-nous des EXTRÊMES ! 

Et c'est là que le bât blesse parce que si on attribue à ce mot son sens premier, j'avoue ne pas connaitre d'extrémistes. Je n'ai ni nazi ni admirateurs de Pol Pot dans ma clientèle pas plus que je ne connais de staliniens convaincus. Petit, j'en croisais parfois dans le métro, de ces vieux lecteurs de l'Humanité affublé d’une casquette. Mais je crois qu'ils sont tous morts. Quant aux nazis, il faut bien devoir se rendre aux confins de l'Ukraine pour en croiser. En tout cas, je n'ai pas d'extrémistes dans ma clientèle. Pas de ceux là en tout cas.

Je crois qu'à notre époque, par extrémiste, il faut entendre le fait d'accepter d'apporter des solutions définitives à un problème grave lorsque qu'il a été prouvé que les solutions lénifiantes à base de dialogue, de bougies et de nounours ont échoué. Dès que l'on remonte avant l'élection de François Mitterrand, le monde nous apparait peuplé d'extrémistes ! 

Dès lors il me semble que je ne peux avoir que des extrémistes dans ma clientèle parce que quand on voue tue au Bataclan, qu'on vous roule dessus en camion et que votre première réaction est de hurler pas d'amalgame en allant allumer une bougie, on n'a vraiment pas de problème dans la vie. On est tellement malléable et adaptable que même le pauvre Candide de Voltaire, lui même qui professait que tout est bien dans le meilleur des mondes possibles est battu. On n'a vraiment pas besoin d'un psy.

Alors oui, j'avoue, comme je leur ai dit que la population masculine célibataire susceptible de leur convenir était sans doute un peu trop extrémiste pour leur plaire. Les deux s'en sont étonnées, persuadées que je ne recevais que de dangereux réactionnaires. Pas du tout, leur ai-je assuré, ils sont tous charmants mais pas forcément  gentils comme elles l'espèrent. Ils sont normaux avec des limites à leur tolérance. Capables de pardonner quand c'est nécessaire mais aussi de violence. Dans la bible il me semble qu'il y a une différence entre inimicus, celui à qui l'on pardonne, à qui l'on tend sa gauche, et hostis, celui qui veut vous anéantir. 

Les deux étaient plutôt tristounes de ne pas pouvoir pêcher dans mon vivier. Mais c'est ce que je leur ai expliqué. Il suffira qu'elles évoquent leur vote pour Anne Hidalgo pour que les mecs se barrent. Désolé, je n'ai ni hipster, ni réel bobo, ni admirateur fervent de François Bayrou dans ma clientèle. 

Mais promis, si j'en chope un, gentil, bien de sa personne, avec des revenus fixes et capable d'affirmer que François Hollande a été un bon président, je leur garde. Celui là, j'en suis sur, ne sera pas un salaud d’extrémiste.

Le célibat tient parfois à peu de choses !

12 janvier, 2017

12 janvier 2017 !


María Eugenia Ignacia Agustina de Palafox-Portocarrero de Guzmán y Kirkpatrick, marquise d’Ardales, marquise de Moya, comtesse de Teba, comtesse de Montijo.
- dite Eugénie de Montijo, Impératrice de France -
Par Winterhalter.

Oui, la date n'est pas anodine puisque ce matin, à onze quarante exactement, j'ai atteint l'âge vénérable de cinquante ans. J'ai donc pris une énorme claque. L'année passée, j'ai été invité aux anniversaires d'amis qui atteignaient ce même âge, ravis qu'ils étaient de fêter leur entrée dans la seconde moitié de leur vie. Et encore quand je parle de moitié, je suis gentil, encore faudrait il pouvoir vivre jusqu'à cent ans ce qui n'est pas donné à tout le monde. Tenez, à la fin de l'année, je suis allé aux obsèques de deux personnes. Le premier est décédé à l'âge de soixante-seize ans et le second à soixante-quatre ans. 

C'est vous dire si c'est présomptueux de se dire qu'on a atteint la moitié de sa vie. Pour les moins chanceux, le plus gros est déjà fait ; il faut songer à choisir crémation, chêne ou acajou. Dans mon cas, ce qui est bien, c'est que j'ai déjà ma place dans un caveau sympa. Comme tout bon capricorne qui se respecte, je serai inhumé à l'endroit où j'ai toujours vécu. C'est déjà rassurant de savoir que quoi qu'il arrive, et quelle que soit la date, je resterai capricorne, adepte des habitudes jusqu'à la fin. 

Pour le reste, c'est vrai que j'ai eu des dizaines de témoignages d'amitié. Moi qui aime me lamenter comme tout bon saturnien qui se respecte et me dire que décidément la vie est bien courte et qu'elle passe bien vite, je ne peux pas me plaindre d'être isolé. Je ne compte plus les SMS ou appels téléphoniques de personnes qui m'ont souhaité mon anniversaire. Cela me fait plaisir même si en vérité, je n'ai plus fêté un seul de mes anniversaires depuis l'âge de vingt-neuf ans. Quand le compteur est passé à trente, j'ai vite compris que quelque chose d'important arrivait. Quand il est passé à quarante, j'ai saisi que c'était grave. Et aujourd'hui, qu'il vient de passer à cinquante, je réalise que c'est irrémédiable.

Bien sur, les réactions furent différentes. Certains témoignages m'ont vraiment touché. Par exemple celui de mon père me disant "un demi-siècle, je n'en reviens pas". C'est certain que pour quelqu'un qui m'a connu au biberon, le changement doit être spectaculaire. Et puis, il y a les amis sincères qui se disent que les années ont passé sans vraiment m'altérer. Et c'est assez vrai. Né vieux, comme je le proclame souvent, les années n'ont pas de prise sur moi. Seul ce qui est à la mode se démode. Moi, je n'ai jamais aimé la mode. J'aurais traversé cinq décennies en étant généralement moi-même, ne sacrifiant à l'époque que ce qu'il fallait pour ne pas sembler totalement incongru. Mais pour le reste, s'agissant de mes idées, je crois être resté à peu près le même. Je déteste toujours autant l'autorité, c'est à dire les juges, la police, les élus et l'état de manière générale même si j'admets que tout cela est nécessaire. 

C'est en achetant par hasard un Que-sais-je intitulé Les anarchistes de droite dans une librairie Place de la Sorbonne que j'ai enfin pu, à l'âge de dix huit ans, me classer politiquement. Depuis, je n'ai pas bougé d'un iota. J'aime l'ordre, le faste et le pouvoir et pour autant je serai toujours du côté des faibles et des opprimés. Et même si cet anniversaire m'a fichu un coup, j'avoue que savoir que je n'ai pas changé d'idées depuis trente ans et quelques années me fait plutôt plaisir. dussè-je mourir demain, j'aurais maintenu mes idées et mes principes. J'aurais pu faire de grandes choses que je n'ai pas faites, j'en avais les moyens. Je ne regrette rien. Au moins je serais resté le même et je n'aurais pas dilué mes principes moraux dans la fréquentation de parvenus.

Il eut ensuite les témoignages de mes deux amis les plus proches, Olive, celui qui est riche et roule en Ferrari, et Lionou, le fainéant qui se fait entretenir par sa femme. Ceux là, se sont foutu de ma figure parce qu'entre nous, existe une plaisanterie récurrente concernant la boite à caca. Si vous ne le saviez pas, ej vais vous l'apprendre. Il se trouve que l'administration, soucieuse de notre bien être, envoie depuis quelques années à tous les hommes venant de fêter leurs cinquante printemps, un courrier dans lequel on les avise qu'un kit de dépistage du cancer colorectal est disponible chez leur médecin. Avant, il s'agissait d'une petite boite dans laquelle vous glissiez un morceau de fèces. Maintenant il semble qu'il s'agisse d'une sorte de papier test avec lequel on doive s'essuyer l'anus. Mais dans notre imaginaire personnel et quelque peu enfantin, avoir cinquante ans, c'est recevoir sa boite à caca, à poster sous les plus brefs délais. Quand ils ont eu cinquante ans, quelques mois avant moi, je ne me suis pas privé de leur rappeler comme je l'avais fait au Gringeot quand il a fêter les siens voici quelques années. 

Alors, ils se sont vengés, me rappelant avec force ire gras que moi aussi j'allais bientôt chier dans la boite. Ce serait bien mal me connaitre car même si je ne doute pas qu'il s'agisse d'un acte raisonnable, il est bien hors de question que je me plie aux désidératas de l'état. C'est stupide me direz vous et je l'admets. Mais moi qui ne gère déjà pas ma banque, je ne me vois pas gérer mes intestins en chiant dans une boite ou me frottant l'anus à un papier test. J'ai vécu en dandy et un dandy ne se résoudra jamais à faire ce genre de choses. Je suis sur que Le Touffier, chirurgien de son état, et ayant dépassé les cinquante ans, n'a jamais effectué ce test. 

S'il ne l'a pas fait je ne me vois pas le faire non plus. Et si le moindre généraliste me reproche mon inconscience, je répondrai qu'un chirurgien brillant m'a expliqué que cela ne servait à rien. Le mot chirurgien ça calme tout de suite les bobologues. Rien qu'en l'écoutant, ils se mettent en PLS ! Et puis si par malheur, je finis avec un anus artificiel et une poche à merde, au moins je pourrais en rendre Le Touffier responsable en l'accusant de m'avoir mal conseillé. C'est toujours bien d'avoir un responsable à incriminer quand un malheur nous atteint. Rien de pire que de se dire que c'est le hasard qui nous frappe. C'est un coup à se sentir maudit de Dieu.

Et puis, il y a eu la réaction de Jean Sablon avec qui j'ai déjeuné ce jour maudit. Ce petit branleur qui n'a pas encore trente cinq ans a osé me parler de la boite à caca ; et pire encore, puisque alors que l'on commandait à déjeuner, il a osé me demander si c'était raisonnable pour mon cholestérol ou mon hypertension de vouloir manger ce plat. Il a osé me traiter en vieux. J'ai évidemment immédiatement contre attaqué en faisant courir le bruit qu'il était doté d'un micropénis. Pour le reste, il n'a eu le droit qu'à mon mépris parce que j'ai beau avoir cinquante ans aujourd'hui, pour rien au monde je ne voudrais en avoir vingt de moins dans le monde qui est le nôtre. Moi qui suis né en mille neuf cent soixante sept, je suis le dernier représentant d'un monde disparu. Je suis un survivant d'un monde auquel les jeunes rêvent tandis que je l'ai connu.

Je suis né sous De Gaulle, la première fois que j'ai embrassé une fille, il y avait Born to be alive qui passait, j'ai vu Coluche au théâtre du Gymnase, Le Luron à l'Edouard VII et vu la troupe du Splendid sur scène, fumé dans un avion, croisé Orson Welles, été triste à la mort de Claude François et parlé à des héros de Verdun ou Dien Bien Phu. Je suis le témoin d'une époque. Une époque à laquelle le franglais n'était pas la norme, ou seuls moins de quinze pour cent des élèves obtenaient leur bac et ou les anglais restaient l’ennemi héréditaire. Et tout cela cela me plait bien. Aujourd'hui, j'ai beau macérer dans une demie tristesse en me disant que décidément ces cinquante années ont passé bien vite, je suis tout de même heureux qu'elles soient passées de cette manière. J'ai de beaux souvenirs. Je n'aurais jamais connu Erasmus par exemple !

Je me dis que je suis le lien entre deux mondes. L'un disparu que certains tentent de ranimer et l'autre qui a éclot en mille neuf cent quatre vingt quinze avec l'Internet. Je me souviens que tout petit, mon arrière-grand-mère, décédée en 1973 à près de cent ans, m'expliquant qu'un des plus beaux souvenirs de sa vie aura été de faire la révérence à l'Impératrice Eugénie, l'épouse de Napoléon III. Et aujourd'hui que je fête mes cinquante ans, à défaut d'impératrice, le seul honneur que je pourrais avoir c'est de serrer la main de Cyrille Hanouna ou pire encore de l'infâme François Hollande !

Comme tous ceux de ma génération, je suis la charnière entre un ancien monde pour lequel j'ai de la nostalgie et un nouveau qui me déplait le plus souvent. C'est ainsi !

02 janvier, 2017

Opinions politiques et neurologie !

Une étude californienne récente sembler démontrer que lorsque ses opinions politiques sont remises en question, le cerveau déclenche une réaction de résistance,  vrai système de défense, comme s'il s'agissait d'une croyance religieuse.  C'est ce qui expliquerait la curieuse réaction de mon filleul Lapinou le socialiste la dernière fois que nous avons parlé de politique.

Les neurologues sont formels, le socialisme est une maladie !

 

Tranquillement installé chez moi en train de siffler une bouteille de Ruinart blanc de blanc, Lapinou devisait de politique en ma compagnie. Et voici qu'il m'explique qu'ayant lu le programme économique de François Fillon, il ne lui trouve que des points positifs. Qu'il s'agisse de la baisser des charges sociales, de l'abandon de l'ISF ou encore de la réduction du nombre de fonctionnaire, Lapinou acquiesce à tout. Voici mon filleul socialiste en train de faire l'apologie d'un programme plutôt libéral-conservateur, tel que ne l'aurait pas renié le RPR de ma jeunesse.

Et de m'expliquer qu'entre le fric qu'il gagne aujourd'hui et l'héritage conséquent qu'il recevra un jour, il serait bien bête d'aller contre ces idées. Le fait de s'être marié à l'église lui aurait il été bénéfique d'un point de vue politique ? A moins que ce ne soit le fait de gagner sa vie car il est bien connu qu'on est toujours plus prodigue de l'argent d'autrui que du sien. 

 Plein de candeur et ne demandant qu'à croire au changement de Lapinou, je lui demande alors bien naïvement s'il allait voter Fillon. Et ce jeune crétin me répond immédiatement que c'est impossible parce qu'il est de gauche. Immédiatement, je lui demande alors pour lequel des brillants candidats aux primaires du Ps il va voter. Et là, il éclate de rire en me disant que la gauche est irrémédiablement cramée et qu'il ne va pas s'embarquer dans ce rafiot qui prend l'eau. Il m'explique alors qu'il votera Macron. J'en déduis donc que Lapinou reste de gauche et que ce faisant, la défense du prolo le conduira forcément à voter pour un mec sorti de la banque Rothschild au cv plus que suspect. C'est à ne rien y comprendre. A moins que ...

A moins que bien que rien chez Macron ne le désigne comme homme de gauche, il suffit qu'il se déclare tel pour que Lapinou réussisse le tour de passe-passe consistant à unir les opposés : discours libéral mais étiquette de gauche. Finalement, on réussirait à faire voter Lapinou pour n'importe quel programme, fut-il le plus réactionnaire, pourvu qu'il y ait "gauche" marqué sur l'étiquette du candidat qui le présente. Ceci dit à la décharge de Lapinou, l'inverse est vrai aussi et je connais un tas de vieux "droitards" qui voteront toujours LR quelque soit le programme présenté. Ils se feront tondre comme des moutons mais peu importe si c'est un LR qui les tond.

Les gens sont essentiellement des buveurs d'étiquette comme le confirme la psychologie sociale lorsqu'elle étudie le conformisme social. Il s'agit plus d'un conformisme par désir de complaisance ou d'identification que d'un réel conformisme par intériorisation. Peu importe les idées réelles pourvu qu'on ait le sentiment de faire partie d'un groupe. Pensez donc si ces voyous 'élus s'en donnent à coeur joie ! Enfin un peu moins depuis qu'internet s'agite et bat les médias traditionnels, alliés naturels des partis, en brèche.

Finalement ce que montre cette étude californienne c'est que l'opinion politique est quelque chose d'aussi important pour un individu que ses croyances religieuses et qu'elles font partie intégrante de son identité. L'opinion politique n'est donc pas quelque chose en plus de son identité, de vagues idées que l'on aurait et dont on pourrait changer en cours de route mais bien une composante essentielle de ce que l'on est. Les opinions politiques sont donc un marqueur social important comme j'ai déjà pu le remarquer chez ma clientèle. Changer d'idées politiques, c'est réellement faire son chemin de Damas, c'est un processus lent qui nécessite une totale remise en cause de son identité sociale. C'est pour cela, comme l'avait si bien imaginé Sefton Delmer, que la propagande noire ou grise marche bien mieux que la propagande blanche. On est plus réceptif aux arguments de quelqu'un qui se dit de notre camp, alors même que ses arguments appartiennent au registre du camp opposé.

Ainsi, il arrive souvent que certains de mes patients se disant de gauche me sortent des énormités qui feraient passer Jean-Marie Le Pen pour un gauchiste. Mais peu importe, à peine leur ai-je fait remarquer que leur réflexion n'est pas réellement de gauche, qu'ils se récusent la main sur le cœur en se disant vraiment de gauche. Lapinou est pareil finalement. Il se dit de gauche tout en pratiquant un humour de droite, en vivant comme un bourgeois de droite. Sous la commune, sans nul doute que Lapinou se serait tenu aux côtés de Thiers.

Lapinouest un socialiste à la mode versaillaise. Tant qu'il ne me fait pas le panégyrique de François Hollande, ça me convient. Bien sur il n'aura jamais 150 au WAIS IV, c'est une certitude :)

Homme de peu de foi !

 Ride du lion !
 
L'année passée, et oui nous sommes déjà en 2017, un ancien patient m'a adressé un ami à lui ; un type dépressif, suivi depuis de longues années par différents psychiatres et sous traitement. Ce nouveau patient était sympa si ce n'est qu'il ne souriait jamais. C'est pourquoi je l'ai vite surnommé Buster Keaton, dont le surnom était justement : l'homme qui ne riait jamais. 

Bien qu'on ait eu de bonnes relations dès le départ, durant les premiers temps, il ne m'a pas souri, pas une seule fois. J'avais le droit à son regard bleu fixé sur moi et sa seule expression était une ride du lion extrêmement prononcée. Je ne sais pas s'il réfléchissait à ce que je lui disais oui s'il était simplement en train de se demander si j'étais un type sérieux ou non.

Il faut dire que son sérieux extrême, sa volonté de tout analyser aussi bien que son incapacité à se laisser aller m'agaçaient au plus haut point. Alors j'avais décidé de le prendre à contre-pied en déconnant et en rigolant. De toute manière, dès le départ, je savais que sa dépression ne durerait pas et que j'en viendrai à bout. Ne me demandez pas pourquoi, moi-même je ne le sais pas. C'est comme ça, c'est intuitif. Même si j'ai toujours pensé que je n'avais pas d'intuition. Disons que c'était sensitif. Je sentais que cela se passerait bien alors il m'énervait avec ses afféteries d'intello et ses questionnements perpétuels.

Comme je n'aurais pas changé d'un iota ma manière de me comporter, c'est lui qui a du changé. Il a esquissé des sourires et à la fin on a fini par rigoler franchement. Ce qui m'a permis de lui dire que si son cas était si grave, il n'aurait pas pu rire comme il venait de le faire. On a vite fait de régler son premier problème qui était du à une rupture amoureuse à laquelle il ne comprenait rien.

Il s'était jsute fait michetonner par une hystérique. Lui y avait cru et elle non bien entendu. Il avait pensé avoir trouvé l'amour de sa vie alors qu'elle n'avait fait que lui jouer la grande scène de l'acte II. Il a réfléchi et convenu que certains signes qu'il avait vu et auxquels il n'avait pas voulu prêter attention étaient pourtant annonciateurs d'une grande catastrophe. 

Mais bon, quand on est seul depuis longtemps, si l'amour passe à portée de main, fut-ce un amour frelaté et bidonné d'une hystérique, on prend quand même. C'est mieux que rien. Faute de grives, on mange des merles dit le proverbe. Il a acquiescé, satisfait d'avoir trouvé la solution à ce problème. Après tout se faire michetonner peut arriver à n'importe qui. Il suffit d'un moment de faiblesse et de l'envie d'y croire malgré les signaux alarmants auxquels on ne veut pas prêter attention et hop, c'est fait.

Et puis, il y avait un problème de fond, à savoir les relations qu'il entretenait avec ses contemporains. Ce patient avait eu un parcours peu commun dont je ne peux parler ici car il est si peu commun que je ne pense pas qu'il y ait plus de deux ou trois personnes en France qui aient eu le même. En tout cas, il avait eu une vie, non pas étrange, parce que c'est un homme plutôt rangé, mais peu commune. Le type avait lâché en route un cursus pour lequel dix mille auraient vendu leur âme au diable pour s'adonner à une passion et en vivre chichement. 

Toujours est-il que bien qu'ayant des amis, il avait toujours eu des difficultés à se lier et encore plus à créer une vraie relation amoureuse. De mon point de vue, si ce n'est des symptômes dépressifs assez bénins, je n'avais jamais vu en lui quoi que ce soit qui puisse donner à penser qu'il n'était pas fait pour une relation stable et durable. Mais le fait était là, se faire des amis proches n'avait jamais été simple, quant à l'amour, n'en parlons pas. 

C'est d'ailleurs lors du second rendez-vous qu'il s'était vraiment plaint de cet état de fait : sa solitude. Il se sentait désespérément seul et incompris. Lors de ce rendez-vous je lui avais dit que c'était assez normal du fait qu'il était manifestement surdoué. Il m'avait alors regardé sans sourire et m'avait demandé si c'était un "truc de psy" ou encore "un argument marketing" destiné à lui redonner confiance ou à le faire rester dans ma patientèle. Je l'avais alors rassuré en lui expliquant que j'avais suffisamment de clientèle pour ne pas jouer à cela et que si j'avais décidé d'y jouer, je n'aurais jamais pris un vrai surdoué comme lui pour monter mon arnaque.

Je lui avais donc expliqué que du fait de son QI manifestement très élevé, il avait sans doute du mal à trouver des gens partageant ses centres d'intérêts mais plus encore sa sensibilité si singulière. Il m'avait expliqué que du fait de son cursus il avait nécessairement fréquenté des gens très intelligent et qu'il ne croyait pas mon analyse. Je lui répondis alors qu'il y avait une différence notable entre être simplement très intelligent et surdoué. Tandis que les "très intelligents" trouvaient sans problème à s'inscrire dans la société, les seconds, du fait d'une sensibilité exacerbée, et je ne parle pas de sensiblerie, et d'une effroyable lucidité avaient bien plus de mal à se socialiser. 

Les simplement "très intelligents", ceux dont le QI dépasse les 110, font des études supérieures sans problème, il leur suffit de travailler. La différence qu'ils ont avec les surdoués c'est qu'on connait l’algorithme qui détermine leur vie en un quart d'heure montre en main alors que les surdoués révèlent toujours des zones d'ombre et des contradictions apparentes bien plus rigolotes. Ils ont souvent un coté dandy, hercules sans travail comme les définissait si justement Baudelaire. Et puis, nonobstant des dons surprenants, ils passent leur vie à se détester, se comparant sans cesse aux moins doués qu'eux qu'ils jugent plus adaptés et de ce fait plus intelligents.

Et puis l'on avait continué les entretiens et régulièrement je lui jetai à la face sa douance que j'estimais manifeste. Un jour je me souviens lui avoir dit qu'il avait au moins cent quarante de QI, ce qui l'avait sourire. C'était l'époque ou il avait commencé à se souvenir qu'il avait des zygomatiques et pas seulement frontaux (ride du lion). Et puis un jour, n'y tenant plus, il m'a dit qu'il voulait passer un test de QI un WAIS IV. Le bougre s'était donc renseigné. Je lui ai dit que je ne faisais moi-même pas passer de tests mais que je me renseignerai pour lui trouver quelqu'un de fiable.

La semaine suivante, je lui confia donc les coordonnées d'une consœur neuropsychologue pratiquant la psychométrie et apte à lui faire passer le WAIS IV. Il prit rendez-vous et suivit le processus en plusieurs rendez-vous destiné à évaluer son quotient intellectuel. Et la semaine avant les vacances de Noël, il dut annuler notre rendez-vous car il avait la restitution de ce test et ne savait pas combien de temps durerait l'entretien.

De mon côté, bien que j'aie été sur de moi, j'étais un peu anxieux en attendant le résultat du test. Je m'étais engagé à plus de 140, persuadé que mon patient était vraiment vraiment surdoué mais je redoutais d'avoir fait une erreur - à laquelle je ne croyait pourtant pas - habitué à jauger les QI en me trompant rarement. Mais que voulez-vous mon orgueil terrible s'accompagne souvent d'une grande humilité. 

En fin de journée, alors que j'étais avec mon dernier rendez-vous, je reçus un SMS de ce patient me disant laconiquement : vous aviez raison : 150. Putain, vous voudrez bien me pardonner cette exclamation, j'avais parié sur plus de 140 et je ne m'étais pas trompé ! Comme j'étais en entretien et que je ne pouvais pas m'épancher par SMS, je me suis contenté d'un sibyllin mais bien senti : "Alors vous avez osé douter de moi ? Homme de peu de foi".

Je suis content, je vais le revoir cette semaine et je ne vais pas être avare de mon succès. On va voir s'il ose encore soutenir que je l'ai jugé surdoué simplement pour lui faire plaisir. Non mais !

***
25A la quatrième veille de la nuit, Jésus alla vers eux, marchant sur la mer. 26Quand les disciples le virent marcher sur la mer, ils furent troublés, et dirent: C'est un fantôme! Et, dans leur frayeur, ils poussèrent des cris. 27Jésus leur dit aussitôt: Rassurez-vous, c'est moi; n'ayez pas peur!

28Pierre lui répondit: Seigneur, si c'est toi, ordonne que j'aille vers toi sur les eaux. 29Et il dit: Viens! Pierre sortit de la barque, et marcha sur les eaux, pour aller vers Jésus. 30Mais, voyant que le vent était fort, il eut peur; et, comme il commençait à enfoncer, il s'écria: Seigneur, sauve-moi! 31Aussitôt Jésus étendit la main, le saisit, et lui dit: Homme de peu de foi, pourquoi as-tu douté? 32Et ils montèrent dans la barque, et le vent cessa. 33Ceux qui étaient dans la barque vinrent se prosterner devant Jésus, et dirent: Tu es véritablement le Fils de Dieu.

Évangile selon Saint Mathieu 14-25 / 14 /33